Le prix bord champ de l’anacarde a été fixé à 305 francs CFA pour la campagne 2021 par le gouvernement. En voilà pour l’info. Mais au-delà de ce prix en baisse par rapport à la campagne précédente, ce n’est pas la grande joie au sein d’un démembrement important de cette filière importante pour l’économie ivoirienne : l’export. Des exportateurs qui se sont confié à nous, en ont gros sur le cœur contre l’Association des exportateurs de cajou de Côte d’Ivoire, en abrégé AEC-CI contre qui de nombreux griefs allant dans le sens de la mauvaise gouvernance de l’association sont formulés.
La sacherie en question…
L’exportation des noix de cajou hors des frontières ivoiriennes obéit à un processus piloté par le Conseil du Coton et de l’Anacarde, organe de régulation. Pour être exportées, les noix doivent être stockées dans des sacs aux spécificités bien définies par le CCA. A ce niveau, une convention lie l’Association des exportateurs au CCA ; elle stipule que la gestion de la sacherie est centralisée au sein du bureau de l’AEC-CI avec un représentant du CCA pour une gestion conjointe. Et les exportateurs sont prélevés 10 francs CFA le kilo pour pouvoir financer le paiement de a sacherie. Malgré ce système apparemment transparent, des exportateurs grognent, pour la plupart sous cape, par crainte de représailles, contre leur association. Nombre d’entre eux se plaignent de ne pas avoir à disposition la quantité requise demandée pour procéder à leurs exportations. Toute chose qui les pousserait dans les bras de d'autres sociétés qui ont pu se procurer les sacs par leurs réseaux. Des exportateurs se sont ainsi retrouvés avec un reliquat de deux cent mille sacs.
Les échantillons de la discorde
Avant exportation des noix de cajou, le processus exige que des échantillons du produit soient analysés. Et cette tâche incombe au laboratoire ACE. Avec la quantité des exportations, les échantillons prelevés représentent une quantité non négligeable. C’est ainsi que l’AEC-CI a décidé de la récupérer pour les vendre et verser les ressources issue de cette vente dans les caisses de l’association pour son fonctionnement. Mais depuis 2016 que cette ressource additionnelle existe, les membres de l’association n’ont jamais eu vent du montant encore moins du bilan de la gestion des restes des prélèvements.
En 2020, cette ressource sera même au cœur d’une ‘‘bataille’’ entre le secrétaire exécutif de l’AEC-CI Méité Inza et le président de Diaby Aboubacar. Le président reprochant au secrétaire général d’avoir procédé unilatéralement à l’enlèvement et la vente des échantillons sans son accord et d’avoir dilapidé les fonds. Brûlant toutes les étapes de règlement de contention en interne, le président Diaby Aboubakar va trimballer son secrétaire exécutif à la police économique, sans grand succès.
Le manque de succès de cette piste va finalement pousser Diaby Aboubakar à donner une demande d’explication à son agent, en date du 18 janvier 2021. Dans cette demande sur laquelle le pachyderme a mis a patte, il est reproché à Méité Inza de détournement de neuf millions cent cinquante-neuf mille deux cent quarante et un (9 959 241) francs CFA.
La réponse du SE à cette demande de Diaby Aboubakar met au grand jour des actes de mal gouvernance de l’AEC-CI. On y apprend entre autres que l’AEC-CI n’a pas de règlement intérieur reconnu par le bureau exécutif et l’assemblée générale ; AEC-CI ne dispose pas de manuel de procédure et de gestion administrative, financière et comptable ; aucun budget annuel n’est élaboré pour les dépenses ; l’AEC-CI n’a pas de comptabilité. Plus grave, ses propositions visant à l’élaboration d’un plan stratégique de développement ont été jetées à la poubelle par le président de l’AEC-CI, de même que la mise en place d’un logiciel pour la gestion de la sacherie export et d’un conseil de surveillance. Et il justifie l’utilisation des fonds de l’enlèvement des échantillons : « Monsieur le président, le bilan de l’utilisation des fonds générés par l’opération de récupération des fonds générés par la récupération des résidus d’analyse au titre de l’exercice 2020 rentre parfaitement dans ce cadre. Aussi pour cadrer avec la gestion transparente de l’opération, je vous ai fourni en bonne et due forme un rapport détaillé clair et précis de l’organisation, de l’exécution et de l’utilisation des fonds générés par l’opération au titre dudit exercice. » Quid du bilan des exercices 2018 et 2019 opérés par le bureau exécutif ?
Mystère et boule de gomme.
Ces explications, un échantillonnage des documents en notre possession achèvent de convaincre des récriminations des exportateurs mécontents qui se plaignent que l’AEC-CI, depuis 2016, n’a fait aucun bilan de sa gestion à ses membres qui déboursent un million de francs chaque année au titre des cotisations.
Dans un souci de transparence, dans une correspondance aux exportateurs de cajou, le SE a fait la proposition suivante : « dans l’optique de faire la lumière sur l’opération d’enlèvement des échantillons 2020 et l’utilisation des fonds, je propose la mise sur pied d’un comité ad hoc qui sera chargé d’auditer l’opération depuis sa mise sur pied afin de mieux informer les exportateurs ». Proposition encore une fois ignorée par le président du bureau de l’AEC-CI. Trop de transparence.
Le GIE-GEPPA, AEC-CI et conflit d’intérêt ?
Les exportateurs nationaux, en vue de mutualiser leurs activités et résister aux grandes firmes internationales, ont mis sur pied en 2019 le Groupement d’intérêt économique des exportateurs de produits agricoles (GIE-GEPPA). Le président du groupement n’est autre que Diaby Aboubakar, le président de l’AEC-CI. Il se retrouve ainsi à gérer l’association des exportateurs regroupant l’ensemble des exportateurs et en même temps un groupement qui défend les intérêts des nationaux uniquement ? Vous avez dit conflit de compétence ? Comment défendre les intérêts communs des nationaux et en même ceux de tous les autres exportateurs ? « Si tu t’opposes à eux, plus tu risques de ne pas avoir de marchés pour la prochaine campagne et même de perdre ton agrément », peste, sous un prudent anonymat, un exportateur désemparé par la gouvernance de l’AEC-CI et du GIE-GEPPA chapeautés par les mêmes personnes. Il renchérit : « Il y a forcément incompatibilité, puisque l’association regroupe plusieurs exportateurs ; le GIE aussi regroupe plusieurs exportateurs. Il y a forcément conflit d’intérêt, parce que le GIE est censé représenter les sociétés exportatrices nationales alors que l’AECI regroupe tous les exportateurs, nationaux comme étrangers. Donc chacune de ces sociétés a son intérêt dans la filière. Si vous dirigez en même temps le GIE et l’Association il y a un conflit d’intérêt manifeste. Il y a un déséquilibre au niveau de la défense des intérêts communs ».
Les griefs à l’encontre du GIE porte également sur la clé de répartition des fonds mis à la disposition des exportateurs qui se ferait de façon opaque sans que les vrais concernés ne puissent en bénéficier. Le tout, sans rendre de comptes aux membres du groupement. Producteurs et exportateurs se mettent donc à rêver à la mise en place de l’interprofession qui pourra travailler de façon consensuelle avec tous les acteurs de la filière en toute transparence.
Contacté dans un souci d’équilibre de l’information, le président de l’AEC-CI Diaby Aboubakar a préféré botter en touche à travers cette réponse laconique : « Nous sommes au regret de ne pouvoir donner suite à votre sollicitation d'entretien en ce qui concerne le fonctionnement des associations professionnelles AECI et GIE GEPPA, des structures privées. Sur la sacherie, veuillez-vous adresser à la direction générale du conseil coton anacarde qui saura vous donner les informations appropriées. Merci beaucoup de votre attention à notre filière.», a-t-il indiqué.
Ce qu’en pense le CCA, le régulateur
Le régulateur de la filière est-il au fait des manquements dénoncés par des acteurs de la filière. Le directeur général du Conseil du coton et de l’anacarde, Dr Adama Coulibaly que nous avons rencontré le vendredi 5 février dernier à ses bureaux au 15ème étage de la Tour de la Caistab n’est pas d’avis avec certaines récriminations.
En ce qui concerne la sacherie, la sacherie export, le premier responsable du CCA soutient que la gestion de ce volet de la filière par l’association des exportateurs est la résultante de l’application des réformes de 2013 qui ont été matérialisée par un décret du président de la République. En outre, il rassure que seul les sociétés exportatrices sont ont droit à une dotation et que le CCA a un représentant à l’AEC-CI pour faire le suivi et les contrôle nécessaires. « A toutes les étapes nous sommes présents. Il est difficile que des gens prennent des sacs pour les commercialiser », a-t-il martelé.
S’agissant du GIE-GEPPA, le boss du CCA a tenu à dire que le groupement ne reçoit pas de subventions de l’Etat. Le CCA a eu à faire des dépôts à terme (DAT) pour aider les exportateurs nationaux à avoir des financements et aussi les fonds Covid que le gouvernement a donné pour aider les filières agricoles à supporter les contrecoups de la pandémie.
Quid de l’interprofession appelée de tous leurs vœux par les producteurs et autres acteurs de la filière cajou ? « Nous avons hâte de la mettre en place », affirme Dr Adama Coulibaly qui déplore le fait que les acteurs de la filière n’arrivent pas à s’entendre et à avoir des coopératives représentatives pour aller à l’interprofession dont le processus est en cours selon son propos.
Cyrille NAHIN avec Stéphane BAHI
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