Universitaire et homme politique, Jules Kouamé a été candidat malheureux aux dernières élections législatives. Fils de la région de Hiré, son fief, il ne cache pas sa désolation devant le triste spectacle qu’offre la ville malgré ses trois mines d’or.
Jules Kouamé, un fils désabusé de Hiré
Comment se sent-on lorsqu’on est fils de Hiré, la ville aux trois mines d’or ?
On devrait, à priori, se sentir fier en ce sens que cette situation devrait être un élément catalyseur du développement de notre région. Mais hélas ! Mille fois hélas ! La réalité est là, implacable. Et cette réalité fait qu’en définitive, on n’est pas fier d’être de là. Nos populations sont exploitées, spoliées. Nos terres sont arrachées à leurs propriétaires. L’existence des trois mines ne fait pas de leur ville, la ville en or qu’elle aurait dû être.
Avoir une industrie dans sa localité est important. Cela va permettre de résoudre les questions de chômage et des ressources financières à travers les contributions fiscales. En revanche, dans le cas de la production d’or à Hiré, nous sommes très déçus. Nous n’observons aucun changement qualitatif dans la ville de Hiré.
Quel devrait être, selon vous, l’impact de la production de l’or sur Hiré et sa région ?
Pour nous, la qualité de la vie, l’existence des infrastructures (routes bitumées ou reprofilées, hôpitaux publics) et la beauté de la ville de Hiré devraient être les signes distinctifs d’une région aux trois mines d’or. Ceci n’est pas trop leur demander car selon les textes, un certain pourcentage de la production est destiné à la région, notamment aux zones impactées.
Une utilisation efficiente de ces sommes d’argent mises à disposition, pourrait contribuer à améliorer le cadre de vie des populations.
Hiré sous le règne de la poussière et de la saleté
Qu’est-ce qui devrait concrètement être fait ?
A notre avis, il faut changer le fonctionnement du Comité de développement local minier (CDLM). Cet organe doit rendre compte de sa gestion aux populations, à la fin de chaque exercice social. Or, tel ne semble pas être le cas.
Le CDLM devrait avoir toute latitude sur la gestion des fonds mis à disposition. Cette possibilité, j’en suis sûr, permettrait de faire de gros investissements dans la région. Or, il semble que la mine a l’initiative des investissements. Pire, c’est elle qui choisit les intervenants dans la réalisation des projets, notamment ceux qui effectuent les études pour la mise en place d’un projet lorsque cela est nécessaire, ou même les réalisateurs du projet. De telle manière que les petites œuvres absorbent ou sont conçues avec des budgets qui vous donnent des vertiges. Il faut revoir son fonctionnement et le rendre accessible à tous. En tout état de cause, il faut donner plus de pouvoir au CDLM dans la gestion des fonds mis à disposition pour les communautés. Il faut aussi revoir le choix des membres et la durée de leur mandat.
Comment sont donc organisés les filles et fils de Hiré ?
A ce que je sache, il n’existe aucune organisation qui défend la région dans sa globalité. Les élus, maires et députés, de par leur statut, ont tant bien que mal essayé dans le passé, mais sans succès. Ils n’ont jamais voulu associer les cadres de la région à cette démarche.
En revanche, chaque communauté villageoise ou ethnique s’est organisée pour lutter de manière isolée, avec les moyens qu’elle juge nécessaires. Aujourd’hui, il faut changer cette manière de faire. Il faut fédérer les énergies et éviter les petits calculs politiciens. Nous devons mettre en place une organisation scientifique composée de toutes les compétences, qui va défendre l’ensemble des intérêts de la région, en accord avec les populations. C’est à ce seul prix que notre région et les générations futures n’en sortiront pas perdantes.
Interview réalisée par Paul D. Tayoro
Content created and supplied by: Paul-D-Tayoro (via Opera News )
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