Absence d’agents à leur poste. Cartes d’électeur introuvables. Bruyants coups de gueule. La distribution des cartes d’électeurs dans la commune de Yopougon se fait dans une atmosphère de pagaille incroyable. A 24 heures de la fin de l’opération, l’échec est plus que probable.

Un siège caché au fond du quartier

Le siège local de la Cei, quasi-introuvable (Photo: Web)

Nous avons vécu une expérience surréaliste, hier, jeudi 25 février au siège départemental de la Commission électorale indépendante (Cie) de Yopougon. Ce siège local de la Cei est situé dans l’enceinte de « la cité Cie » du sous-quartier Port-Bouët 2 de Yopougon. Nous voulions nous y rendre pour retirer notre carte d’électeur. Après avoir parcouru tout ce sous-quartier des heures durant, c’est finalement aux environs de 10 heures que nous avons pu retrouver les lieux que seuls les habitants de cette partie de Port-Bouët 2 connaissent vraiment. Le siège lui-même, un bâtiment gris, anonyme, ne payait pas de mine. Aucune inscription au portail d’entrée indiquant que c’était le siège d’un démembrement d’une institution aussi importante que la Cei.

 Peu de cas est fait des pétitionnaires

Certains pétitionnaires sont ainsi assis depuis le petit matin (Photo: T. SINZE)

Le siège de « la cité Cie », c’est le seul lieu retenu par les responsables locaux de la Cei pour les retraits des cartes d’électeur. A notre arrivée, une foule de pétitionnaires déjà considérable attendait dans la cours. Les uns juchés sur des chaises de jardin, les autres obstruant carrément l’entrée principale de la petite villa. L’impatience et la nervosité se lisaient sur les visages déformées par une colère difficilement contenue. On entendait çà et là des accusations, toutes dirigées vers les agents du bureau local de la Cei. « Vous voyez bien qu’ils ont reçu des consignes. Tout est mis en œuvre par la Cei pour nous décourager et nous amener à renoncer à retirer nos cartes d’électeurs » soutenait un frêle bonhomme d’âge respectable. « Ils savent que tous leurs militants (il faisait allusion sans aucun doute au Rassemblement des houphouétistes pour la démocratie et la paix, Rhdp) ont déjà retiré leurs cartes pour voter à la présidentielle, alors ils veulent nous empêcher de voter nos candidats aux législatives » renchérit rageusement une dame, sa voisine. Les agents qui sortaient de temps à autre du bureau étaient pratiquement pris à parti à chaque fois. Un vrai capharnaüm !

Frustration et grincements de dents

A force d'impatience, les esprits s'échauffent (Photo: T. SINZE)

Dans ce désordre, quelques biens-heureux  arrivaient à récupérer leurs précieux cessâmes, après une longue attente. Cette attente se poursuivait même quand vous êtes finalement admis dans les locaux. Il fallait attendre que l’agent farfouille dans l’amoncellement de cartes, durant de longues minutes pour vous dégoter, si vous êtes vernis, la fameuse carte.

Comment en est-on arrivé à ce désordre artistique ? Pourquoi cette opération, pourtant si importante se déroule-t-elle dans cette improvisation apparente ?

En absence de dame Mankangbê Camara, la présidente de la Commission électorale départementale de Yopougon (Elle est par ailleurs directrice du Service d’état civil à la mairie de Yopougon, donc très occupée !), un commissaire que nous désignerons sous les initiales T.K. nous explique : « Le territoire de Yopougon a été subdivisée en 11 zones pour cette opération. Pour chaque zone, il y a 4 agents qui travaillent deux à deux et par alternance. Ces agents ont sous leur responsabilité, des cartes de plusieurs bureaux de vote. Toutes les cartes d’électeurs de la commune de Yopougon ont été centralisées au siège local de la Cei. Ainsi, chaque agents a un lot de plus de mille cartes à distribuer ». Ce qui complique davantage les choses, c’est que ces cartes ont été jetés en vrac dans les cartons. A chaque fois qu’un pétitionnaire se présente à un agent, c’est au petit bonheur la chance. Celui-ci, après avoir tout mis sens dessus dessous comme il peut, si une bonne fée passe par-là, le miracle se produit. Vous avez votre carte ! Dans le cas contraire, votre longue attente aura été vaine ! Nous fûmes partie des pétitionnaires malheureux. Les responsables des zones 5 qui couvre notre centre de vote et ceux de la zone se sont payés des vacances !

 La nécessité d’une meilleure communication

Il faut éviter à tout prix ces scènes déplorables (Photo:Web)

Comme pour consoler les malheureux pétitionnaires en attente, les agents leur disent en chœur invariablement cette phrase désarmante: « de toutes les façons, vous pouvez voter sans carte, en présentant tout juste votre carte nationale d’identité, votre récépissé ou votre attestation d’identité ». En clair et à les en croire, l’opération elle-même est tout à fait superflue ! Pourquoi alors avoir engagé tant d’effort dans une affaire qui serait aussi inutile ?

Passe encore que dans un souci d’économie, la Cei locale décide de centraliser la distribution des cartes. Ces responsables auraient pu au moins prendre la précaution d’opérer le travail préalable de tri et de classement de ces cartes, pas seulement par zone comme cela a été fait, mais par ordre alphabétique. A défaut d’un classement par centre et bureau de vote.

Il est fort à parier que sur l’ensemble de plus de 200.000 cartes d’électeurs à distribuer, à la fin de l’opération qui tient sur une petite semaine (20 au 27 février 2021), seule une infime partie sera remise à leurs heureux destinataires. Si une simple distribution de cartes rencontre autant de difficultés, qu’en sera-t-il de la gestion dans des conditions acceptables, du vote, du dépouillement des bulletins de vote et de la proclamation des résultats ? C’est maintenant que toutes les bonnes mesures devront être prises pour des élections sans heurt, ni contestation.

 Les autorités électorales interpellées

La Cei à nouveau sur le gril (Photo:Web)

 Par ailleurs, une campagne franche, vigoureuse devra être menée par les états-majors des candidats eux-mêmes et par leurs partis politiques et les Organisations de la société civile (Osc), en vue de mieux informer les populations sur la possibilité de voter sans carte d’électeur, mais juste avec leurs pièces d’identité.

Théodore Sinzé

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