La Côte d’Ivoire continue d’archiver ses faits historiques qui jalonnent son parcours lointain et/ou récent. Ce 18 février rappelle bien de souvenirs, notamment la répression des opposants sortis dans la rue en 1992 pour brandir une série de revendications.
Appelé par Félix Houphouët-Boigny pour donner un nouveau souffle à l’économie ivoirienne agonisante, Alassane Ouattara d’abord président d’un comité interministériel est nommé Premier ministre. C’est le tout premier du premier président ivoirien. Sorti du système des finances internationales, Alassane Ouattara arrive en Côte d’Ivoire dans un environnement de morosité économique happé par le nouveau vent du multipartisme. Laurent Gbagbo, secrétaire général du Front populaire ivoirien (FPI) à l’époque, et ses camarades de parti ne se donnaient pas de répit pour contraindre Félix Houphouët-Boigny à lâcher du lest sur des dispositions constitutionnelles pouvant déboucher sur des réformes démocratiques. En face, celui à qui il faudra d’abord faire plier l’échine, c’est le Premier ministre Alassane Ouattara.
Ouattara – Gbagbo, une adversité vieille d’une trentaine d’années
Le 18 février 1992 est sans doute le premier test d'un face-à-face politique entre les deux personnalités, Alassane Ouattara au pouvoir et Laurent Gbagbo fer de lance de l’opposition. Leur adversité ne date pas d’aujourd’hui. Le désamour qui a prévalu entre 1990 et 1993 s’est poursuivi jusqu’à ce jour, après avoir tâté une impossible alliance dans un front républicain en 1995 face à Henri Konan Bédié. Une semaine avant cette marche historique du 18 février, une centaine d’étudiants de la Fédération estudiantine et scolaire de Côte d’Ivoire (FESCI), avec à sa tête son premier leader Martial Ahipeaud, venait de se faire arrêter suite à une manifestation contre l’impunité des bourreaux de la répression à la cité universitaire de Yopougon en mai 1991. Après une enquête qui a épinglé la Force d’intervention rapide para-commando (Firpac), Houphouët-Boigny s’est abstenu de poursuivre les hommes du général Robert Guéï. Pour l’opposition, c’en était une posture de trop, dans l’instrumentalisation de la justice et l’embrigadement des libertés publiques en général. Le 12 février 1992, l’opposition place alors sa marche sous le signe de la « conquête des libertés et l’instauration de la démocratie ». Malgré son interdiction par le gouvernement d’Houphouët piloté par Alassane Ouattara et de la « loi anticasseurs », l’opposition y est allée tout de même, en masse. Certains observateurs ont parlé d'« assaut final » contre le régime d'Houphouët.
Le témoignage de Gbagbo sur le 18 février
Quelques heures après le début de cette marche à l’Institut national de santé publique (INSP) à Adjamé, des témoins ce jour-là font cas d’un incendie de véhicules au niveau du palais de justice, de violents heurts dans les environs de la BAD et du marché, au Plateau. Laurent et Simone Gbagbo sont ciblés. « Mon épouse m’a raconté plus tard qu’au même moment on criait : « tuez-la ! ». « Elle a été battue jusqu'à ce qu’elle perde connaissance. Transportée au camp Gallieni, elle y a été encore plus sauvagement battue. Quand elle s’est réveillée, elle était à l’hôpital avec les vertèbres cervicales endommagées. Elle nous a rejoints plus tard en prison avec une minerve. Ce jour était pour moi un jour de tristesse en pensant à la Côte d'Ivoire, mais aussi un jour de gloire pour les combattants de la liberté et de la démocratie. J’étais convaincu que c’était le prix à payer pour que nous ayons la démocratie et le pouvoir. J’ai compris ce jour-là que je serai Président de la République et que plus rien ne pouvait m’arrêter », raconte l’ancien président ivoirien, dans un documentaire réalisé par le cinéaste Henri Dupac, intitulé « Laurent Gbagbo, la force d’un destin 1945-2000 ». « Des militaires sont arrivés. Ils m’ont encerclé. Il y en a un qui a sorti son pistolet automatique qu’il a pointé vers moi (…) », se rappelle Simone Gbagbo.
29 ans plus tard – ce 18 février 2021 – le face-à-face Ouattara-Gbagbo est toujours d’actualité. En avril 2011, Alassane Ouattara après avoir réussi à prendre le pouvoir des mains de Laurent Gbagbo, a autorisé son transfert à la Cour pénale internationale (CPI). Depuis la libération de celui-ci, son retour au pays fait l’objet de blocages malgré une disposition de la Constitution, article 22, qui stipule qu’« aucun Ivoirien ne peut être contraint à l’exil ».
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