Après la nouvelle de la non presence de Laurent Gbagbo sur la liste électorale, les réactions fusent. Ci-dessous, celle de Babily Dembélé, Président de l'Alliance pour la République(APR). Originaire de Kouto, au Nord du pays, homme politique et homme d'affaire, diplômé de l'Academie des Sciences de Paris, cet architecte expert en Construction et Aménagement de l’Espace recommande à son frère Alassane Ouattara une mesure qui tient compte des intérêts supérieurs de la nation.
M.Babily Dembélé, président de l'APR
Monsieur Babily Dembélé la liste électorale provisoire a été rendue publique samedi 20 mai. Les noms de certaines personnalités dont Laurent Gbagbo et Charles Blé Goudé n'y figurent pas. Quelle réaction?
C'est une situation que tout citoyen ivoirien épris de justice,de paix et d'amour pour ce pays ne peut que déplorer. C'est moins une question de la personne de Laurent Gbagbo qu'une question d'Etat de droit et de justice. Laurent Gbagbo a été déporté à la CPI par le gouvernement ivoirien.Il a fait plus de 10 ans en prison, a été jugé et acquitté. Il est revenu en Côte d'Ivoire et est allé se faire réinscrire sur la liste électorale d'où il avait été radié à l'issue d'un procès aux contours flous. On ne lui a rien signifié. Et on estime qu'il n'a plus ses droits civiques. Pourtant, il a été autorisé à diriger un parti politique. Ce parti a reçu un récépissé d'existence légal du Ministère de l’Intérieur avec comme président, Laurent Gbagbo. Si tu n'es pas qualifié pour être sur la liste électorale, tu ne peux pas diriger un parti politique. Il y a trop d'incongruités dans la démarche de l'Etat ivoirien,
de la Justice ivoirienne et de la CEI. Le pouvoir exécutif et la Justice imposent, dans plusieurs États africains, une sorte d'Apartheid aux citoyens.
Comment y remédier?
Il faut que les peuples se réapproprient leur souveraineté et imposent la démocratie et la justice aux hommes politiques. Il faut que les acteurs politiques soient constamment en quête de cohésion. En Côte d'Ivoire, ils rusent. Il y a eu un dialogue politique. Et il a été recommandé une loi d'amnistie pour réparer des injustices et consolider la réconciliation. Mais visiblement, le régime n'est pas pour la reconciliation. Il n'attend point faire la moindre concession. C'est regrettable. Mais il doit comprendre que les Ivoiriens veulent la paix. Ils sont fatigués des troubles dûs aux attitudes des hommes politiques. Et dire que le parti au pouvoir porte le nom d’Houphouët-Boigny, un homme qui a incarné la paix. Il faut respecter la mémoire de ce grand Homme.
M.Dembélé, le Président de la CEI dit que Laurent Gbagbo a été condamné à 20 ans de prison dans l'affaire dite de " braquage de la BCEAO". Par conséquent, il a perdu ses droits civiques. N'a-t-il pas raison?
Tous les Ivoiriens honnêtes et sérieux savent que ce fût un simulacre de procès. En envoyant Laurent Gbagbo à la CPI, le régime ivoirien espérait qu'il serait lourdement condamné et ainsi, il serait définitivement mis hors compétition électorale en Côte d’Ivoire. Alors, en constatant que le procès à La Haye allait aboutir à la relaxe, on a trouvé une parade au niveau local. Et ce n'est pas surprenant que des actes élémentaires ont été omis dans la tenue de ce procès. La Justice ivoirienne savait que Laurent Gbagbo se trouvait à la CPI. Elle pouvait lui signifier sa convocation devant le juge. Cela n'a pas été fait. L'analphabète du droit sait que, quand on n'est pas convoqué, on ne peut pas être jugé. Et la condamnation ne lui a pas été non plus signifiée. C'est ahurissant tout ça. Pire, Laurent Gbagbo a été cité en tant que co-auteur. Le principal accusé, c'était l'ancien ministre du budget Katinan Koné. Lui, il est sur la liste électorale. Les autres co-accusés: Désiré Dallo, ancien ministre de l'Economie et des Finances, Aké N'Gbo, ancien Premier Ministre sont sur la liste électorale. Seul Laurent Gbagbo n'y figure pas.Tout ceci est fait à dessein.
Quel est ce dessein?
Je l'ai dit tout à l'heure. C'est de l'écarter totalement de la politique dans son pays. Rappelons-nous Nelson Mandela en Afrique du Sud. 27 ans de prison. Il est sorti de prison mais on ne l'a pas empêché de se présenter à la présidentielle de son pays. Il a même été élu. Oubien, on redoute que Laurent Gbagbo soit élu en 2025 comme Mandela? Tout récemment, en RDC Jean-Pierre Bemba qui est sorti de la CPI comme Laurent Gbagbo n'est pas empêché de faire la politique. Il est même ministre aujourd'hui. Il faut éviter une autre crise à ce pays. On se souvient que c'est l'exclusion d’Alassane Ouattara de la compétition électorale qui a été à la base des plus graves crises dans ce pays. Et pour y mettre fin, Laurent Gbagbo a dû utiliser l'article 48 de la Constitution pour le rendre éligible. La reconnaissance est une exigence de Dieu. Alassane Ouattara est mon frère et il faut que je le lui dise la vérité. S'il partage très profondément l'avis d'écarter Laurent Gbagbo,il fait fausse route. Si ce sont des personnes de son entourage qui encouragent cela, il doit comprendre que ces personnes ne l'aiment pas. Il n'y a pas de gloire dans le mal. Quelle que soit une loi, une décision juridique, si elle pose un problème grave à la survie d'une nation, on ne l'applique pas. On prend une décision exceptionnelle et on apaise en se disant qu'après tout, "celui-ci est mon frère et mes concitoyens ont trop souffert". Alors il vaut mieux prendre une loi d'amnistie pour libérer la Côte d'Ivoire. Il ne faut pas penser aux intérêts du clan mais aux intérêts supérieurs de ce pays.
Interview réalisée par Dan Opéli
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