Il est descendu aux enfers affirme sobrement le Symbole. L’exposé classique de cet article veut que le Christ, victorieux, soit descendu en son âme aux enfers, pour en libérer les justes qui sont morts avant lui et imposer son pouvoir sur la mort et les puissances infernales. La compréhension balthasarienne du descensus est profondément différente, puisque le Christ, impuissant parmi les morts, y expérimente la déréliction, et par là sauve tous les hommes de la mort et de cette même perte définitive de Dieu. Une étude assez récente aux États-Unis conclut, après un examen serré, que cette position est « incompatible avec la doctrine catholique traditionnelle » et qu’elle « ne peut être vraie, ni ne peut être une expression de la foi catholique » . Avec d’autres commentateurs, l’auteur pointe sur des difficultés christologiques, notamment une compréhension trop radicale de la kénose de l’Incarnation, fondée sur des relations trinitaires conçues abusivement comme kénotiques elles aussi . Cette clef de lecture a sans doute sa pertinence, mais il nous semble que l’approche la plus éclairante du Samedi saint est sotériologique. C’est avant tout la nécessité salvifique d’assumer jusqu’à la déréliction pour tous les hommes et le cadre sotériologique spécifique développé par Balthasar qui expliquent la condition du Christ aux enfers. Autrement dit, avant de considérer le comment de la descente du Christ aux enfers, il convient d’en comprendre le pourquoi. C’est cette perspective aussi qui met en lumière avec le plus de netteté le problème qui demeure, l’assomption par le Christ de la poena damni, du « non » définitif à Dieu, car elle en souligne la contradiction avec la logique sotériologique même qui semblait pourtant y conduire . Au fond, la visée de notre lecture sotériologique du Samedi saint chez Balthasar est d’opérer un discernement. L’enjeu est de taille : s’il y a bien quelque chose à conserver d’une vision si différente par rapport à la conception classique, cela implique que le théologien de Bâle apporte à la théologie du descensus un renouvellement décisif.

Après une énumération schématique des éléments essentiels de la doctrine de Balthasar sur le Samedi saint et une présentation elle aussi rapide du cadre christologique et trinitaire – à titre de rappel en quelque sorte –, nous nous arrêterons plus en détail sur les principes sotériologiques qui motivent sa pensée. Dans un dernier temps nous pourrons alors mettre à jour le cœur des difficultés qui résistent encore et malgré tout.

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